Marine est une femme intelligente. De fait elle a écrit un LIVRE. Peu importe qu’il soit bien ou mal tourné, la plupart de ceux qui le supposent n’en ont pas la moindre idée. Mais le simple fait d’avoir son nom sur une couverture cartonnée te rend bien plus crédible que n’importe quel concert. Et pourtant… moi je connais la vérité. Je la supporte chaque jour. Et je peux vous dire que c’est moi sa part crédible, sa note boisée, son inspiration, son défouloir. Alors, sans vouloir me tirer toute la couverture, je mérite au moins autant qu’elle de siéger parmi ces gens INTELLIGENTS qui ont écrit DES LIVRES. Un salon leur est consacré au Mans. J’ai décidé de m’incruster pour combler les blancs et faire un peu swinguer ce monde de lettres (enfin si Marine a révisé la leçon 24 de la guitare pour les nuls qui chantent si fort que ça passe).
Premier jour donc, nous nous retrouvons attablées avec Olivier Nuc et Bruno Lesprit, auteurs d’un livre sur le défunt Bashung. Autant dire que ma petite personne a été choyée. Tous se battaient pour me caresser les cordes. Marine m’a utilisée pour remercier les acheteurs de son livre, peu nombreux ce jour là malgré son idée de dédicace simultanée (pendant qu’elle rédigeait sa dédicace elle demandait à son futur lecteur de faire de même sur une feuille blanche). Le plus assidu des publics fut ce cher journaliste que nous nommerons F. (bien que J. eut été plus adapté). Nous n’avons tout d’abord pas bien compris pour quel média il travaillait. Un journal local ? Une radio ? Je ne me souviens même pas qu’il l’ait mentionné. Mais il avait UN BADGE, ce qui comme UN LIVRE, te rend respectable. Interview sublime à la Raphaël Mezrahi avec des questions pointues du type «parlez-moi de votre livre…» ou «alors les femmes… ?». Marine a fini par m’utiliser comme porte de sortie. On lui a joué Mens-moi en se disant que c’était certainement ce qu’il était en train de faire.
Il s’est ensuite tourné vers mes chers voisins et leur a demandé «parlez-moi de votre livre… » suivi d’un «et Bashung alors… » qui nous a plongés dans un fou-rire aussi étouffé qu’incontrôlable.
En partant, tandis que j’entamais un récital en espagnol, ce cher F. a pris un stylo et a noté sur ma feuille de signatures ce mot :
«I love you Marine Goodmorning.
F. (journaliste) »
La parenthèse était utile. Pour la crédibilité, puisque c’était le sujet du week-end.
Fortes du succès d’estime de notre hôte libraire, mes amis et moi avons été «promus» dans l’allée centrale le jour suivant. J’y suis pour beaucoup, car en toute modestie, sans moi (et les quelques verres de vin offerts par notre cher auteur local Alain Moro) l’ambiance aurait été beaucoup plus sage. Après une très courte nuit (la vie nocturne au Mans est complètement débridée au cas où vous en douteriez encore) nous voici donc chargées de la lourde responsabilité d’être auteur (pour elle) – divertissante (pour moi). Cela a apparemment fonctionné puisque nous avons quasiment écoulé notre stock de livres en une journée. En terme d’énergie dépensée, on a tout donné, tout chanté et tant parlé que l’on ne sait pas comment nos voisins ont encore pu nous supporter à leurs côtés sur les voies du retour. Dans le "train des auteurs" qui nous était consacré, nous occupions un wagon avec nos nouveaux amis du week-end, revival de nos plus beaux trajets de fonds de bus adolescents. On a adoré cette plongée dans le monde merveilleusement sérieux du livre et recommençons quand vous voulez à jouer les intelli-chantes.