Cette semaine, Marine m'a trimballée en avion, puis en bus, jusqu'à Toronto, où elle donnait une conférence à l'université York. Comme elle a roupillé sur mon manche pendant tout le trajet puis m'a portée sans ménagement à l'autre bout de la ville, j'ai plein de nouvelles bosses (mais ça me va bien je trouve, ce côté gueule cassée...).
Elle présentait son livre Same same but different, choisi comme ouvrage pour deux classes d'étudiants d'immersion (anglophones donc). Au programme : voyage, prise de risque, envie d'agir... et moi (j'ai autant de mal à me défaire de mes tendances égocentriques que de ma sangle léopard). Les étudiants avaient reçu les paroles de la chanson Mens-moi et nous ont écoutées, studieux (bon, sauf le mec en gris, mais il avait sûrement une bonne excuse)
Il faut dire que Marine portait ses collants spéciaux "regardez-moi dans les jambes"... (elle sortait d'une nuit presque blanche alors il fallait bien trouver quelque chose pour éviter les yeux).
Lorsqu'elle ne me tenait pas sur les genoux, Marine s'adressait aux étudiants de façon posée.
[Je lui avais pourtant dit de laisser tomber les cours de Comedia Dell'arte...]
Et puis nous avons terminé la rencontre par une séance de dédicace où elle m'a complètement oubliée (la preuve sur la première photo : mon manche en bas à droite).
Bref, elle avait l'air Happy à l'university. Merci à Gaëlle, Muriel et tous les étudiants pour leur accueil et leur... so rock n'roll clap (bientôt, peut-être, une vidéo).
xoxo from Toronto.
Le 9 aout dernier, à 23h18,
Marine accourut vers moi (elle m’avait prêtée à un charmant joueur de guitare
sur une plage. C’était l’été donc - comme souvent au mois d’août) pour
m’annoncer que nous étions les invitées d’honneur d’un festival de guitare à
Chinon. Jusque là, je ne réagis pas (sans vouloir être désagréable, Marine
n’est pas tout à fait ce que l’on peut appeler une guitare héroïne). Mais
lorsqu’elle précisa qui nous invitait, mes cordes ne firent qu’un tour :
Michel. De Michel et Domingo. Rappelez-vous, ce joli conte de noël où un
Domingo généreux et éméché avait offert sa guitare à un Michel très doué tandis
que Marine et moi improvisions un concert au milieu de la nuit. Nous ne les
connaissions pas, ils ne s’étaient jamais rencontrés non plus, mais ce soir là,
entre quelques accords de vins et de guitares, une alchimie s’était produite.
Michel était reparti, un peu
intimidé, avec sa nouvelle guitare de luthier.
Domingo n’avait pas regretté son
geste au réveil, confirmant le lendemain que les instruments doivent appartenir
à ceux qui les honorent (ça marche avec les femmes aussi ?).
Erratum : l'article écrit que Marine a offert sa guitare à Michel.
Rendons à Domingo le joli geste qui est le sien...
Depuis cet épisode, plus de
nouvelles. Jusqu’à ce SMS de Michel donc, nous expliquant que depuis neuf mois,
il s’est beaucoup remis à jouer et que notre rencontre lui a donné envie d’en
provoquer d’autres. Avec l’aide de quelques amis, il a recruté une vingtaine de
bénévoles, a mis en place des partenariats avec des bars, des salles de
concert… Pour créer le premier festival de guitare de Touraine. 25 groupes programmés
dans toute la ville (entre autres Raphaël Fays - http://www.myspace.com/raphaelfays,
la belle Emma en duo http://www.myspace.com/emmaenduo85,
ou encore les très rockabilly Las
Vargas http://www.myspace.com/lasvargaslive)
avec comme dénominateur commun l’amour de la guitare. Le paradis pour moi… Je
me voyais déjà au milieu d’une sorte de club de rencontre géant. De jolies
cordes à tous les coins de rue… (j’ai donc pour l’occasion ressorti ma sangle
léopard des grands soirs).
Dimanche 18 septembre : jour J.
Nous
arrivons - à la bourre comme de coutume - sous un ciel mi figue mi raisin.
Michel nous attend sur la place principale pour nous conduire à notre espace de
jeu. A notre grande surprise, tout est déjà prêt, ne reste plus qu’à me
brancher sur l’ampli… Claire et Yuri, deux charmants bénévoles veillent à ce
que tout se déroule au poil. Ces deux là sont aux petits soins pour nous. Une
bière pour Marine, un jack pour moi (pas Daniels hein, je suis sobre bois), il
ne nous en faut pas plus pour être au mieux de notre forme. Nous entamons les
balances … pour les interrompre brusquement à cause de l’arrivée en trombe du
susnommé Domingo. Il s’approche de la scène sur un scooter électrique
flambant neuf, freine en nous apercevant, sourit, lève la main pour nous
saluer… et tombe sur le coté, imité par sa monture (qui s’écrase sur lui donc).
Le tout se déroule au ralenti, de sorte que le choc ne semble heureusement pas
violent. En moins de dix secondes, avec l’aide de quelques hommes, il se
relève, en pleine forme. Entrée en scène à la hauteur de la réputation du
personnage donc…
Il trinque avec Marine pour se
remettre de ses émotions, juste avant qu’elle ne se perche sur son tabouret et
me pose sur ses genoux. Je suis fin prête, et toute
excitée à l’idée de jouer sur cette jolie place.
On commence. Une demie chanson et... un son d’accordéon résonne derrière nous.
Je me retourne : un musicien
nous a rejoint sur scène et improvise sur nos grilles (sans jamais avoir
entendu le moindre de nos morceaux auparavant).
Marine sourit. C’est une
surprise.
Le jeune homme s’appelle
Jean-Baptiste. Il se présente pour que nous puissions le faire pour lui. Le
public est enthousiaste, l’expérience, inédite. Une heure de concert sans un
nuage. A tous les niveaux. Et le sourire de Michel et Domingo pour éclairer ce
moment de collaboration artistique unique.
MERCI, est le seul mot qui me
vient à l’esprit. On revient quand vous voulez chers amis chinonais. François,
un talentueux guitariste, a promis d’apporter sa corde sensible la prochaine
fois pour voir si elle s’accorderait à la mienne… Notre accordéoniste tout
terrain est prêt à repartir sur les chapeaux de roue. Et nous vous tirons le
nôtre, chers Michel & team (Jeff, Annie, Mélanie…) pour cette édition réalisée sans
une subvention, mais avec de l’envie à revendre. Espérons que le geste que vous
avez reproduit continuera à faire des petits… Et à l’année prochaine, donc, si vous nous faites l'honneur d'une nouvelle invitation.
Au début de l’été, le temps était gris, Marine me délaissait pour des projets d’écriture ou d’exposition à la noix (non, je ne suis pas jalouse), et je ressemblais à ça :
En pleine dépression donc. Comme celle stagnant perpétuellement au dessus de mon ciel parisien. Je me consolais en rêvant à l’été dernier et à ses concerts à Barcelone, Berlin, Montréal, New-York… Mais dès que je rouvrais la rosace, la réalité me frappait de plein fouet : j’étais bel et bien coincée à Barbès.
Je ne me plaignais pas, non, je me contentais de broyer du noir (dans ma housse de toute façon, je peux difficilement faire autrement).
Et puis le miracle s’est produit.
Marine était à Berlin, pour son projet Forever 24 heures. Ce dimanche, elle rejoignait des amis à Mauer Park au nord de la ville. Il faisait très chaud et les pelouses étaient bondées. Des groupes se faisaient entendre de tous côtés (chaque parc qui se respecte doit avoir son quota de jambés et de jongleurs de feu). Au dessus du brouhaha, des applaudissements, en masse. «C’est un karaoké géant» nous explique-t-on. Devant des gradins investis par 2000 personnes, des apprentis chanteurs se présentent à tour de rôle. «Pas cap d’y aller» dit-on à Marine. «Cap» (bien sur, tu l’as prise pour une chanteuse marshmallow ou quoi?). Et voici comment elle s’est retrouvée à hurler 4 non blondes comme une adolescente, oubliant dans son excitation que les paroles figuraient sur l’écran à ses pieds. Il y a donc eu des petits blancs, des petites blagues, mais finalement l’acclamation d’un public aussi indulgent que participatif. Cela donnait ça :
Ceci, fut le déclic qui lui donna envie de s’occuper de moi. ENFIN ! Mauer Park la ramenait à moi.
Philipp, qui nous avaient déjà programmées en décembre dernier ici a proposé d’improviser un concert pirate avec notre complice berlinois Luis Cozen, trois jours plus tard. Deux fois par mois, Philipp déniche des endroits atypiques pour y projeter des films et présenter un artiste. Le lieu étant tenu secret jusqu’à la veille, le rendez-vous semblait obscur (+52° 29' 38.36", +13° 22' 45.41"), et de fait, à une demi-heure du concert, Luis, Marine et Aude (leur invitée surprise) étaient les seuls présents au croisement de rue où tout le monde était censé se retrouver.
Allo Philipp… Il répond : «c’est simple : tu rentres dans le parc, tu longes à gauche, arrivé à des barrières de chantier, tu continues, à un moment tu verras une ouverture, des ordures, tu rentres et tu y es. J’arrive ». Dix minutes plus tard il débarque, la Volvo chargée jusqu’au plafond du matériel de projection et de son. Les amplis sont cachés sous des couvertures «au cas où on croiserait des flics». Je rave, presque…
Les mecs sont impressionnants, en trente minutes, ils installent un écran géant, branchent une sono à un groupe électrogène, des lampions, allument un feu de camp et hop, c’est parti pour la projection d’une série de cours-métrages de la Nouvelle Vague, intitulée Paris (une soirée so frenchie donc…). Une cinquantaine de personne rappliquent (les allemands prouvent leur suprématie en terme d’orientation).
L'originalité du lieu et la clarté du ciel faisaient oublier le froid qui titillait les peaux. Luis et Marine ont joué tour à tour, ensemble, puis cédé la place à Aude, la douce invitée à la voix feutrée. La poésie qui flottait dans l’air s’est posée sur mes cordes, faisant oublier les difficultés techniques qui pimentaient le jeu de scène. Luis, Aude et Marine ont du jouer au micro musical, tenant à tour de rôle le SM58 devant les lèvres de celui qui chantait puisque personne n’avait pensé à apporter de pied… Le résultat était assez aléatoire mais peu importait. Cette soirée avait quelque chose de spontané et rien ne pouvait la ternir.
Ils ont par exemple interprété cette nouvelle chanson de Luis Cozen en trio (et avec un petit bug de coordination micro…).
On a improvisé une reprise de filles avec Aude Solievna.
Et puis comme ce concert berlinois nous avait remises en forme, et bien de retour en France, on a filé à Saumur donner deux concerts fleuves (2x 2h30) en duo avec le virtuose guitariste Bruno Druart. En version accompagnée de danseurs professionnels, ça donnait ça :
Bref, je vois le bout du tunnel. Elle me touche à nouveau, me sort quotidiennement et me redonne ma dose de grattouillage en public. J’ai échappé de peu au Prozac. Merci Berlin. On remet ça dimanche prochain, Chinon rien.
Lundi : coup de téléphone de Christian (note pour bientôt : vous parler de lui). Il nous propose de jouer jeudi soir à l’Olymp…
Coupure.
On rappelle illico (vous pensez bien).
Lui : «Je disais donc, je vous propose de jouer à l’OlympiC, jeudi soir pour une soirée de solidarité organisée par le collectif un bateau pour Gaza. Un set d’une demi-heure, quarante-cinq minutes».
Hormis le fait que le concert ait lieu trois jours plus tard, que nous nous trouvions au fond des bois et que la dernière lettre du nom soit un peu décevante, j’envoie vers Marine des ondes subliminales pour qu’elle dise oui. Non nous ne sommes pas prêtes, sommes supposées nous concentrer sur l'écriture, la composition etc, mais, juste… ça nous manque, la scène, non ?
Elle hésite quelques heures et puis – preuve que nous sommes toujours en phase - accepte. Nous aurions pourtant pu être échaudées par la brève prestation de la semaine précédente. A un vernissage d’exposition, nous avions joué devant un parterre de gens plus cools que cools (qui, additionnés, forment les « cooools »). Je savais pourtant que, dès lors que les gens n’écoutent pas - ou peu -, mieux vaut diffuser du rock, du jazz, de l’électro, n’importe quoi pourvu qu’il n’y ait pas trop de texte. Ben oui, le texte, dans un brouhaha, ça saoule (et comme les cubis de vin faisaient déjà très bien leur travail…).
Pour cette soirée Olympic, nous craignions donc de revivre le même scénario (mais Christian nous a rassurées la dessus, c’est une vraie salle de concert avec un bar à l’étage pour qui veut évoquer les péripéties de sa journée de coool). Et puis peu importe, on y va, parce que moi, je le sens et que mes cordes en frétillent d’impatience.
Nous sommes d’ailleurs accueillies plus qu’agréablement par un «fan» ayant découvert Marine il y a un an et demi sur les ondes d’Aligre FM (ne riez pas, à quelques milliers d’auditeurs près, la station détrônerait France Inter). Pour la séduire, il se présente sous le nom de Silas (du nom du héros de sa série préférée d’enfance). Naïve, elle met quelques minutes à comprendre que son vrai nom n’a rien à voir. En vérité, il s’appelle Youssef*. Enchantée tout de même.
Le concert se déroule parfaitement –quoique que quelques 2 heures plus tard que l’horaire prévu. Écoute attentive, public réactif, nous sommes toutes deux à l'aise et en confiance. Je suggère même à Marine de tenter quelques petites expériences : une nouvelle chanson (Lover dose), une reprise acoustique de Chifumi, (cf. plus bas) et un invité surprise, Luis Cozen, qui a lui même été surpris d'être invité…
Superbe soirée donc, qui aura, qui plus est, peut-être fait avancer de quelques miles le bateau pour Gaza, et nous aura donné envie de ne pas reprendre le large trop longtemps avant de retrouver la scène.
*prénom modifié pour conserver l’anonymat de l’usurpateur d’identité héroïque
Le week-end dernier, Marine m’a annoncé une grande nouvelle : elle m’emportait sur son dos à l’Envolée des livres de CHATEAUROUX. Je ne connaissais pas cette ville, mais déjà, son nom faisait frémir mes cordes d’impatience. Ses trois syllabes laissaient miroiter un week-end emprunt de faste et de noblesse. Dès les premières heures, je ne fus pas déçue, tant s’en faut : voiture de train privatisée et première classe, homme de compagnie aussi volubile que distrayant, cocher (de bus à moult chevaux) attendant à l’arrivée, suite royale au Palais de l’Echassier (plus communément nommé Ibis), déjeuner gastronomique à la Cantine de la fleur de Lycée…
Tout s’annonçait sous les meilleurs auspices. Mais, consciente de n’occuper qu’une place accessoire (elle venait avant tout pour signer son livre), il me fallait trouver le moyen de faire ma place au soleil (par ailleurs étincelant ce jour-là).
Pour cela, je choisi de mettre en action le plan D (comme Délicat – rôle de composition s’il en est) :
-Phase 1 : m’insinuer dans chacune des conversations de Marine avec les auteurs afin qu’ils s’habituent à ma présence.
-Phase 2 : me faire désirer, discrète, tranquillement allongée dans une housse à ses pieds
-Phase 3 : attendre que les premiers acheteurs du livre découvrent sur la quatrième de couverture que Marine est chanteuse et lui demandent, m’apercevant posée dans un coin, si elle aurait la gentillesse de leur jouer un morceau.
Leur phrase à peine terminée, je laissais alors nonchalamment glisser ma fermeture éclair, consentant de bonne grâce à m’accorder à leur désir.
Jusqu’ici, vous naviguez, comme moi, en plein conte de fée. MAIS… c’était sans compter sur les dérives incontournables de nos natures exaltées (et rock’n’roll, si si, relisez bien les post précédents), puisque le plan D s’est rapidement transformé en plan P (Poissonnier).
Marine a alors exhibé sur sa table ma prestation comme une offre promotionnelle :
Un livre acheté = une chanson chantée (prononcez-le dix fois pour voir…). Cela a tant et si bien fonctionné qu’elle a cassé sa voix (et peut-être les oreilles de quelques voisins, mais ils ont eu la courtoisie de ne pas s’en plaindre).
Elle a recouvert l’immaculé papier de la table de mots et dessins bariolés (aidée par son voisin, en croisade contre l’ennui, qui depuis Hier dernier nous a d’ailleurs promis une chanson. Demain, peut-être ?)
Emportée par la frénésie des rencontres, elle m’a ensuite abandonnée à l’hôtel…
Pour ne rentrer qu’au petit matin, escortée par son chevalier chinonais (néanmoins plus proche de Pete Doherty que de Lancelot à cette heure indue).
Malgré ce retour brutal à la réalité (Châteauroux est une commune française située dans le département de l’Indre n’ayant pas hébergé de personnalité notable depuis le Prince de Déols au XIème siècle (et tout récemment Michel Denisot, mais dans dix siècles on s’en foutra éperdument)), je dois avouer que j’aime de plus en plus me frotter à ce monde de lettres.
Quand bien même ne soient-elles pas de noblesse.
Pas plus ici qu’ailleurs. Je ne vais pas mentir, faire comme si le temps passé à ne pas tisser les fils de cette e-toile était alloué à composer en secret. Je fais autre(s) chose(s). J’admets qu’en tant que lecteurs, vous avez un droit de regard sur mon emploi du temps. Alors voilà : je voyage, vis des (més)aventures quotidiennes, joue pour le plaisir. Je prends le temps de ne pas chercher l’inspiration, mais d’attendre qu’elle se pointe au bout de mon médiator, au bout de ses lèvres. J’ai surtout accepté la mission d’accompagner Marine dans ses nouvelles réalisations en attendant de me concentrer sur les miennes à plein temps, lorsque l’intuition chuchotera que ce moment est venu.
Alors, kesako, ce mystérieux projet qui me fait prendre l’avion en housse aussi souvent que d’autres le RER en bandoulière?
Il s’appelle Forever 24 heures (du nom de l’une de nos chansons, Marine ne se lasse décidément pas d’usurper mes idées). Elle réalise 24 portraits d’hommes ayant composé les fragments de son histoire d’amour aux différentes (24) heures de sa vie, dans tout ce qu’elle a de réalisé ou de rêvé, de construit et d’éphémère.
Marine voyage donc chaque semaine, de Châteauroux (la plus exotique) à Berlin (la plus underground) en passant par Barcelone (où elle vient de photographier Jack Sparrow, présenté ici en août dernier) et Ljubljana (savez-vous seulement où c’est ?). Elle y dresse le portrait de ces hommes ayant écrit un chapitre ou quelques lignes de son histoire d’A (qui ne finit pas mal puisqu'elle ne finit pas tout court, comme une aiguille dont chaque fin de tour de cadran marque le début du suivant). Marine espère ainsi faire gagner l’instant sur les faits, dire que peu importe que l’on soit resté trois ans, un mois, une nuit ou qu’il ne se soit rien passé avec quelqu’un, l’important est l'intensité du moment partagé (ou fantasmé).
Ce travail mêlant image, texte et son a pour but d’être exposé vers la fin d’année. Autant dire que Marine ne chôme pas et qu’elle a bien besoin de mes cordes pour s’évader lorsque les émotions lui retournent la caboche. Je ne suis donc pas reléguée au placard, loin de là (si vous en doutiez, permettez-moi de vous rappeler que je suis bien trop mégalomane pour être contrainte au silence), mais j’emmagasine tout ça pour plus tard. Bientôt. Parce que malgré tout, j’ai le mal de vous.
En attendant nos retrouvailles, je clos ce post puisque me prend comme… une envie d’écrire.
Au départ j’étais sceptique à l’idée d’aller traîner mes cordes à Chinon par un mardi gris et brumeux qui se prenait pour un dimanche. Je me demandais pourquoi Marine avait tenu à m’emporter avec elle dans cette ville inconnue avec un presque inconnu qui allait, je le sentais, monopoliser son attention. Pas d’accord, mais pas le choix, c’est mon triste sort…
La journée commence comme prévu, puisqu’à peine garée sur la place de la mairie, Marine me plante dans son coffre de voiture. Il fait un froid de canard. Elle déjeune de foie gras (de canard). Traditionnel moment de l’année où ce genre d’injustice saute aux yeux.Je poirote tout l’après-midi tandis que madame conte fleurette.
A la nuit tombée, elle se pointe comme si de rien n’était, me faisant miroiter une rencontre avec une guitare-mandoline, appartenant à un certain Domingo. Marine vient de les rencontrer dans un bar à vin (mon intuition me dit que Domingo doit bien aimer ça le vin) et ils nous proposent un bœuf autour d’un magret. Ni une, ni deux, elle me sort de ma housse sans autre forme d'échauffement.
Temps d’accordage : 10 minutes, temps de jeu (d’affilée) : 45 secondes, ratio chinonais tout à fait singulier. Domingo nous accompagne avec une interprétation elle aussi tout à fait singulière de la justesse. Peu importe, il connait TOUT LE MONDE dans le milieu et veut d’ailleurs nous aider à PERCER. Pour preuve, il nous glisse le numéro de téléphone de son célèbre ami et ex-pianiste de Jacques Martin (non mais tout de même, il a accompagné Vanessa Paradis à l’Ecole de fans…). Plus d’inquiétude, notre carrière est lancée. C'est donc le cœur léger que nous partons dîner en tête à tête à cordes.
Cette fois j’accompagne Marine et son presque inconnu, puisqu’ils ont ensuite dans l’idée de passer au café-concert de la ville. Mieux vaut me garder sous le coude, on ne sait jamais si un autre tartare musical s’improvisait.
[café français, 23h30]
Pour un mardi-faux-dimanche, c’est assez calme… Nous décidons de boire un dernier verre avant de rentrer. C’était en tout cas le plan jusqu’à ce que ce cher Domingone réapparaisse. Allez, une petite coupe, deux. On ne peut pas partir comme ça (refuser serait d’une impolitesse inacceptable)… C’est donc en plein partage de bulles qu’un client surprend Marine. Michel (il s’appelle Michel) m’a vue posée dans un coin et nous suggère de jouer quelques morceaux à l’assemblée. Concertation au plus haut niveau hiérarchique (le bar). Oui, non. On est (elle est) un peu saouls (le), mais comme cela semble être la mode ici, on se lance.
Au détour d’un morceau, Domingo tente une intrusion musicale tout aussi expérimentale qu’à l’apéritif. Michel, se sentant l’âme d’un héros, décide alors d’intervenir pour sauver la situation (et les oreilles du public) : il demande la permission d’emprunter la guitare-mandoline.
En un clin d’œil dans notre direction, Michel commence à improviser sur nos morceaux. Superbe. J’en deviens jalouse de ne pas être jouée avec autant de finesse et de sensibilité. La musique se prolonge, jusqu’à ce que la magie de (et du ?) Chinon opère… Après un solo remarquable de Michel, Domingo lui annonce comme une évidence qu’il lui offre sa guitare : «si si, t’en joues trop bien, j’t’la donne. Oui j’suis sûr. Non je ne vais pas regretter. Tu joues trop bien, j’t’la donne». Malgré le refus aussi poli qu’ému de notre Michel sous le choc, Domingo insiste. C’est son cadeau de noël.
Nous quittons nos nouveaux amis sur ce joli geste. Back dans le back de la voiture pour ma part, mais – une fois n’est pas coutume - j’accepte de bonne grâce de passer la nuit en solitaire. Le presque-plus inconnu a gagné ; un peu comme nous tous ce soir, heureux spectateurs d’une rare lueur d’humanité.
J’avais un peu dramatisé mon séjour à l’hôpital pour guitares cabossées. Un petit resserrage de boulons et un nouveau jeu de cordes plus tard et me revoilà sur pied, prête à m’envoler nach Berlin pour un concert de l’avant. Avant 2011, avant Bercy, avant quoi ? Noël ? Ah oui, j’aurais du m’en douter, tout le monde ne parle que de ça ici (l’obsession semble croître à mesure que l’on avance vers l’est). Pile dans le thème, puisque notre spectacle se tiendra en lieu saint et sûr, sous une chapelle (transformée en théâtre, ce qui permet à la laïque guitare que je suis d’assumer cette plongée en crypte profonde).
Pour l’heure, ledit concert semble être le cadet des soucis de Marine. Elle engloutit des Würste et des Kartoffeln (Deutsches Buch page 26), applaudit un opéra de Stravinsky mis en scène façon néo-punk (néo est un terme à la mode - comme la chasteté - dont nous vous reparlerons). Elle tournicote dans des bals avec quelqu’un qui s’emmêle autant les semelles qu’elle (mais qui lui offre des Würste, ce qui est déjà un grand pas) et boit du Jägermeister* à avoir une haleine de bain de bouche.
*(une astérisque en haut de page a pour but de vous épargner un scroll) Le Jägermeister, Maître chasseur en allemand, est une liqueur à base de plantes médicinales titrant 35°GL.
[Pendant ce temps, je gis, seule, abandonnée dans un appartement]
Marine se souvient seulement de moi le jour J. Mieux vaut tard que jamais dit-on, mais je n’aurais jamais imaginé que son réveil sonne aussi tard. Voilà donc qu’en une journée - entamée dans l’après-midi, ne me demandez pas ce qu’elle a fait la veille – nous devons élaborer tout un répertoire. Le programmateur aimerait que nous interprétions une chanson en allemand, jamais entendue avant cela va de soi. Une histoire de roses qui pleuvent, de femme qui veut tout ou rien… Rien à voir avec le néo-romantisme de Marine évidemment.
1,2, 3, 1, 2, 3 c’est une valse. Avec un texte si long que l’apprendre nous fait tourner la tête… comme une valse. Marine achète une petite robe en dentelle beige pour détourner l’attention de ses éventuels trous de mémoire. Tenue tout à fait à propos vu les trente centimètres de neige qui recouvrent les trottoirs.Clopin-clopant en talons, elle me porte sur son dos jusqu’au Theaterkapelle. Après une dernière étape Wurst d’encouragement, nous arrivons pleines d’inspiration et de vitamines (cinq saucisses par jour, non ?). C’est parti pour une heure de concert à deux, avec intermèdes en anglais (ich habe viel vergessen…), chansons en espagnol et en japonais (easy). Néo-set international dont nous excluons néanmoins in-extremis la chanson sur les roses de peur que son interprétation achève de les faire pleuvoir.
Next time, promis, on aura bossé notre allemand, comme un pied de néo mauvaises langues qui pensent que nous avons l’amnésie sélective. Clap clap clap, nous n’oublierons pas en tout cas ce mémorable concert. Ni notre départ de Berlin, dont la magie de noël tient parfois à des petits riens : l’explosion d’un litre de Maître chasseur en salle d’embarquement (à nos pieds on s’entend) diffusant ses effluves à qui veut les sentir, une procession sur piste enneigée pour accéder à un avion dont les ailes se font dégivrer par de petits robots (on n’a pas bu, effet de la cause).
Quitter Berlin nous semble décidément toujours trop tôt.
Vendredi 19 novembre 2010. Théâtre de Saumur. Ou plutôt ersatz de théâtre, puisque l’original est en arrêt maladie. Une salle des fêtes parée de ses plus beaux velours tente de donner le change pendant les trois ans de travaux imposés au plus joli monument de la ville (dauphin du château au moins si l’on ne peut le couronner ainsi). Je m’apprête à accompagner Marine pour un concert programmé par la ville en première partie de Nicolas Fraissinet (ne pas connaître me semble excusable, cf. nous il y a trois jours).
45 minutes de set acoustique = elle + moi + 300 paires d’yeux braqués sur nous. Je flippe un peu, j’avoue. D’autant plus que je sens bien qu’elle est nerveuse, voire nostalgique ce soir. La loge est superbe, l’administration a imprimé son nom sur une photo de poisson rouge, comme s’ils la connaissaient bien. Des petites loupiottes éclairent un miroir au reflet flatteur, des chocolats, du vin local, des fruits, nous tentent les papilles. Tout se présente à merveille et pourtant, ce soir, pour la première fois, Marine se dit qu’elle aimerait partager ce moment avec ses musiciens.
Je la sens bien, toute chiffon, malgré ses chaussures panthères assorties à ma sangle (on commence à fusionner à force de promiscuité) et son maquillage laissant à peine perler les larmes qu’elle retient. C’est la première fois que nous jouons dans une salle comme celle-ci depuis que Marine a pris de la distance avec son groupe. Par peur de me vexer sûrement, elle n’ose pas me dire en face qu’ils lui manquent, mais cette date – si parfaite matériellement, bien payée pour une fois, dont elle n’a pas à assurer la communication – lui rappelle celles qu’ils ont réalisées dans leur théâtre de résidence, à Paris, il y a plus d’un an déjà.
[bulle souvenir]
La solitude est le corollaire du travail de fond qu’elle entreprend et le prix à payer pour sa liberté, elle le sait. Désormais nous parlons le même langage que nos musiciens et lorsque nous remonterons un set de groupe, nous saurons exactement ce que l’on en attend. Mais quand même, là, tout de suite, avec ses petits verres de vin, elle voudrait qu’ils soient là, à lui dire qu’elle boit trop, qu’elle risque d’oublier ses textes.
Elle me fait sentir depuis le début que je ne lui suffis pas ce soir, alors je panique un peu, je ne contrôle pas le son qui sort de ma caisse par le petit Phil (ou Jack je ne sais plus) avec lequel on m’a branchée. Pourtant pour elle, tout se passe apparemment bien. Les gens réagissent à chaque morceau. Marine est à l’aise, elle tente de nouvelles chansons, enchaîne les blagues (qui fonctionnent, une fois n’est pas coutume), le public la rappelle même. Inouï pour une première partie, on ne s’y attendait pas. Elle récolte les bravos, clap, clap, clap, signe des autographes… Et m’ignore complètement, l’ingrate. Soudain, je l’entends parler à l’ingénieur du son. Il paraît que mes cordes semblaient friser à cause d’un problème de micro-interne ou je ne sais quoi. Elle m’en veut. Je me fais toute petite. Elle va me renvoyer au magasin, d’où je viens, pour diagnostiquer mon problème.
Je ne veux pas me retrouver comme ce pauvre théâtre ou l’on n’a pas joué. Remplacée. Non, il faut qu’ils trouvent une solution. Pas d’ersatz de Corde sensible ou je lance une pétition auprès de mon demi million de lecteurs (oui toi).
Vous le savez (pour ceux qui suivent mes posts depuis juillet = la majorité d’entre vous, public fidèle et ô combien aimé), Marine m’a déjà traînée dans le métro pour pousser la chansonnette. Nous avions alors subi un remake de Marche à l’ombre avec un collègue musicien nous expliquant que nos talons et petites chansons étaient bien gentils mais qu’ils nuisaient à son chiffre d’affaire (parce que jouer dans le métro avec LA carte officielle est un business lucratif, comparé au salaire minimum bolivien, disait-il). D’un commun accord - surtout de ma part, ayant bien noté le sort réservé à la guitare dans ledit film – nous avions donc déguerpi, le manche bas.
Et là, coup du sort… Cindy Godard, la bientôt célèbre créatrice de la marque de vêtements Dentelle & Macarons, nous offre une revanche. Elle organise une expo multi-arts dans une galerie éphémère, ouverte pour l’occasion par la RATP. Pour nous y rendre, il faut simuler une entrée dans le métro Palais royal et bifurquer juste avant les tourniquets vers un long couloir illuminé, ouvert à chaque extrémité sur le fascinant spectacle du va-et-vient des usagers. De part et d’autres de ce tunnel chic, des vitrines décorées de tableaux, photos, fringues, et animées par de jolies jeunes femmes suggérant de s’approprier quelques pièces. Blackout c’est le nom. Et jusqu’ici c’est plutôt sexy.
Marine et moi jouons à 17h. Un concert-goûter donc. Aussi peu rock n’roll que cela puisse paraître, sa veste en cuir et ma désormais célèbre sangle léopard ont suffisamment donné le change pour presque le faire oublier.
Nous nous produisons au bout du couloir. L’ingé son propose de faire tomber un rideau de fer derrière nous pour limiter les bruits du métro. Que nenni, nous voyons enfin notre revanche pointer son nez. Personne ne pourra nous déloger ici. Et que de chemin parcouru depuis nos premiers pas, station Odéon... La technique est du dernier cri : un tabouret de bar emprunté… au bar d’à côté, un pied de micro et micro (parce que l’un sans l’autre…) et des enceintes laissant échapper juste ce qu’il faut de larsen pour que l’ambiance underground soit respectée. Bref, nous exultons. Le public devant nous, attentif sur ses bancs d’écoliers, peut profiter de l’écran vivant dans notre dos, tandis que nous apprenons à jouer recto-verso.
Nous tentons de nouveaux morceaux, frais du matin comme des petits pains. Et des vieux aussi, parce que dans ce palais (royal) il n’y a d’autre règle que de faire ce qu’il nous plaît. Un couronnement pour nous, presque sorties du trou.