lundi 3 janvier 2011

Un Domingo pas comme les autres


Au départ j’étais sceptique à l’idée d’aller traîner mes cordes à Chinon par un mardi gris et brumeux qui se prenait pour un dimanche. Je me demandais pourquoi Marine avait tenu à m’emporter avec elle dans cette ville inconnue avec un presque inconnu qui allait, je le sentais, monopoliser son attention. Pas d’accord, mais pas le choix, c’est mon triste sort…

La journée commence comme prévu, puisqu’à peine garée sur la place de la mairie, Marine me plante dans son coffre de voiture. Il fait un froid de canard. Elle déjeune de foie gras (de canard). Traditionnel moment de l’année où ce genre d’injustice saute aux yeux. Je poirote tout l’après-midi tandis que madame conte fleurette. 

A la nuit tombée, elle se pointe comme si de rien n’était, me faisant miroiter une rencontre avec une guitare-mandoline, appartenant à un certain Domingo. Marine vient de les rencontrer dans un bar à vin (mon intuition me dit que Domingo doit bien aimer ça le vin) et ils nous proposent un bœuf autour d’un magret. Ni une, ni deux, elle me sort de ma housse sans autre forme d'échauffement.
Temps d’accordage : 10 minutes, temps de jeu (d’affilée) : 45 secondes, ratio chinonais tout à fait singulier. Domingo nous accompagne avec une interprétation elle aussi tout à fait singulière de la justesse. Peu importe, il connait TOUT LE MONDE dans le milieu et veut d’ailleurs nous aider à PERCER. Pour preuve, il nous glisse le numéro de téléphone de son célèbre ami et ex-pianiste de Jacques Martin (non mais tout de même, il a accompagné Vanessa Paradis à l’Ecole de fans…). Plus d’inquiétude, notre carrière est lancée. C'est donc le cœur léger que nous partons dîner en tête à tête à cordes. 

Cette fois j’accompagne Marine et son presque inconnu, puisqu’ils ont ensuite dans l’idée de passer au café-concert de la ville. Mieux vaut me garder sous le coude, on ne sait jamais si un autre tartare musical s’improvisait.

[café français, 23h30]
Pour un mardi-faux-dimanche, c’est assez calme… Nous décidons de boire un dernier verre avant de rentrer. C’était en tout cas le plan jusqu’à ce que ce cher Domingo ne réapparaisse. Allez, une petite coupe, deux. On ne peut pas partir comme ça (refuser serait d’une impolitesse inacceptable)… C’est donc en plein partage de bulles qu’un client surprend Marine. Michel (il s’appelle Michel) m’a vue posée dans un coin et nous suggère de jouer quelques morceaux à l’assemblée. Concertation au plus haut niveau hiérarchique (le bar). Oui, non. On est (elle est) un peu saouls (le), mais comme cela semble être la mode ici, on se lance.

Au détour d’un morceau, Domingo tente une intrusion musicale tout aussi expérimentale qu’à l’apéritif. Michel, se sentant l’âme d’un héros, décide alors d’intervenir pour sauver la situation (et les oreilles du public) : il demande la permission d’emprunter la guitare-mandoline.

En un clin d’œil dans notre direction, Michel commence à improviser sur nos morceaux. Superbe. J’en deviens jalouse de ne pas être jouée avec autant de finesse et de sensibilité. La musique se prolonge, jusqu’à ce que la magie de (et du ?) Chinon opère… Après un solo remarquable de Michel, Domingo lui annonce comme une évidence qu’il lui offre sa guitare : «si si, t’en joues trop bien, j’t’la donne. Oui j’suis sûr. Non je ne vais pas regretter. Tu joues trop bien, j’t’la donne». Malgré le refus aussi poli qu’ému de notre Michel sous le choc, Domingo insiste. C’est son cadeau de noël.

Nous quittons nos nouveaux amis sur ce joli geste. Back dans le back de la voiture pour ma part, mais – une fois n’est pas coutume - j’accepte de bonne grâce de passer la nuit en solitaire. Le presque-plus inconnu a gagné ; un peu comme nous tous ce soir, heureux spectateurs d’une rare lueur d’humanité.

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