lundi 22 novembre 2010

Lonely nous

Vendredi 19 novembre 2010. Théâtre de Saumur. Ou plutôt ersatz de théâtre, puisque l’original est en arrêt maladie. Une salle des fêtes parée de ses plus beaux velours tente de donner le change pendant les trois ans de travaux imposés au plus joli monument de la ville (dauphin du château au moins si l’on ne peut le couronner ainsi). Je m’apprête à accompagner Marine pour un concert programmé par la ville en première partie de Nicolas Fraissinet (ne pas connaître me semble excusable, cf. nous il y a trois jours).
 
45 minutes de set acoustique = elle + moi + 300 paires d’yeux braqués sur nous. Je flippe un peu, j’avoue. D’autant plus que je sens bien qu’elle est nerveuse, voire nostalgique ce soir. La loge est superbe, l’administration a imprimé son nom sur une photo de poisson rouge, comme s’ils la connaissaient bien. Des petites loupiottes éclairent un miroir au reflet flatteur, des chocolats, du vin local, des fruits, nous tentent les papilles. Tout se présente à merveille et pourtant, ce soir, pour la première fois, Marine se dit qu’elle aimerait partager ce moment avec ses musiciens.

Je la sens bien, toute chiffon, malgré ses chaussures panthères assorties à ma sangle (on commence à fusionner à force de promiscuité) et son maquillage laissant à peine perler les larmes qu’elle retient. C’est la première fois que nous jouons dans une salle comme celle-ci depuis que Marine a pris de la distance avec son groupe. Par peur de me vexer sûrement, elle n’ose pas me dire en face qu’ils lui manquent, mais cette date – si parfaite matériellement, bien payée pour une fois, dont elle n’a pas à assurer la communication – lui rappelle celles qu’ils ont réalisées dans leur théâtre de résidence, à Paris, il y a plus d’un an déjà.
[bulle souvenir]

La solitude est le corollaire du travail de fond qu’elle entreprend et le prix à payer pour sa liberté, elle le sait. Désormais nous parlons le même langage que nos musiciens et lorsque nous remonterons un set de groupe, nous saurons exactement ce que l’on en attend. Mais quand même, là, tout de suite, avec ses petits verres de vin, elle voudrait qu’ils soient là, à lui dire qu’elle boit trop, qu’elle risque d’oublier ses textes.


Elle me fait sentir depuis le début que je ne lui suffis pas ce soir, alors je panique un peu, je ne contrôle pas le son qui sort de ma caisse par le petit Phil (ou Jack je ne sais plus) avec lequel on m’a branchée. Pourtant pour elle, tout se passe apparemment bien. Les gens réagissent à chaque morceau. Marine est à l’aise, elle tente de nouvelles chansons, enchaîne les blagues (qui fonctionnent, une fois n’est pas coutume), le public la rappelle même. Inouï pour une première partie, on ne s’y attendait pas. Elle récolte les bravos, clap, clap, clap, signe des autographes… Et m’ignore complètement, l’ingrate. Soudain, je l’entends parler à l’ingénieur du son. Il paraît que mes cordes semblaient friser à cause d’un problème de micro-interne ou je ne sais quoi. Elle m’en veut. Je me fais toute petite. Elle va me renvoyer au magasin, d’où je viens, pour diagnostiquer mon problème.

Je ne veux pas me retrouver comme ce pauvre théâtre ou l’on n’a pas joué. Remplacée. Non, il faut qu’ils trouvent une solution. Pas d’ersatz de Corde sensible ou je lance une pétition auprès de mon demi million de lecteurs (oui toi). 
Une vidéo de fille perdue, pour la peine... Lost.

mardi 9 novembre 2010

Revanche underground


Vous le savez (pour ceux qui suivent mes posts depuis juillet = la majorité d’entre vous, public fidèle et ô combien aimé), Marine m’a déjà traînée dans le métro pour pousser la chansonnette. Nous avions alors subi un remake de Marche à l’ombre avec un collègue musicien nous expliquant que nos talons et petites chansons étaient bien gentils mais qu’ils nuisaient à son chiffre d’affaire (parce que jouer dans le métro avec LA carte officielle est un business lucratif, comparé au salaire minimum bolivien, disait-il). D’un commun accord - surtout de ma part, ayant bien noté le sort réservé à la guitare dans ledit film – nous avions donc déguerpi, le manche bas.

Et là, coup du sort… Cindy Godard, la bientôt célèbre créatrice de la marque de vêtements Dentelle & Macarons, nous offre une revanche. Elle organise une expo multi-arts dans une galerie éphémère, ouverte pour l’occasion par la RATP. Pour nous y rendre, il faut simuler une entrée dans le métro Palais royal et bifurquer juste avant les tourniquets vers un long couloir illuminé, ouvert à chaque extrémité sur le fascinant spectacle du va-et-vient des usagers. De part et d’autres de ce tunnel chic, des vitrines décorées de tableaux, photos, fringues, et animées par de jolies jeunes femmes suggérant de s’approprier quelques pièces. Blackout c’est le nom. Et jusqu’ici c’est plutôt sexy.

Marine et moi jouons à 17h. Un concert-goûter donc. Aussi peu rock n’roll que cela puisse paraître, sa veste en cuir et ma désormais célèbre sangle léopard ont suffisamment donné le change pour presque le faire oublier.
Nous nous produisons au bout du couloir. L’ingé son propose de faire tomber un rideau de fer derrière nous pour limiter les bruits du métro. Que nenni, nous voyons enfin notre revanche pointer son nez. Personne ne pourra nous déloger ici. Et que de chemin parcouru depuis nos premiers pas, station Odéon... La technique est du dernier cri : un tabouret de bar emprunté… au bar d’à côté, un pied de micro et micro (parce que l’un sans l’autre…) et des enceintes laissant échapper juste ce qu’il faut de larsen pour que l’ambiance underground soit respectée. Bref, nous exultons. Le public devant nous, attentif sur ses bancs d’écoliers, peut profiter de l’écran vivant dans notre dos, tandis que nous apprenons à jouer recto-verso.

Nous tentons de nouveaux morceaux, frais du matin comme des petits pains. Et des vieux aussi, parce que dans ce palais (royal) il n’y a d’autre règle que de faire ce qu’il nous plaît. Un couronnement pour nous, presque sorties du trou.

lundi 1 novembre 2010

Et ce salon du livre alors...? F. (journaliste)

Marine est une femme intelligente. De fait elle a écrit un LIVRE. Peu importe qu’il soit bien ou mal tourné, la plupart de ceux qui le supposent n’en ont pas la moindre idée. Mais le simple fait d’avoir son nom sur une couverture cartonnée te rend bien plus crédible que n’importe quel concert. Et pourtant… moi je connais la vérité. Je la supporte chaque jour. Et je peux vous dire que c’est moi sa part crédible, sa note boisée, son inspiration, son défouloir. Alors, sans vouloir me tirer toute la couverture, je mérite au moins autant qu’elle de siéger parmi ces gens INTELLIGENTS qui ont écrit DES LIVRES. Un salon leur est consacré au Mans. J’ai décidé de m’incruster pour combler les blancs et faire un peu swinguer ce monde de lettres (enfin si Marine a révisé la leçon 24 de la guitare pour les nuls qui chantent si fort que ça passe). 

Premier jour donc, nous nous retrouvons attablées avec Olivier Nuc et Bruno Lesprit, auteurs d’un livre sur le défunt Bashung. Autant dire que ma petite personne a été choyée. Tous se battaient pour me caresser les cordes. Marine m’a utilisée pour remercier les acheteurs de son livre, peu nombreux ce jour là malgré son idée de dédicace simultanée (pendant qu’elle rédigeait sa dédicace elle demandait à son futur lecteur de faire de même sur une feuille blanche). Le plus assidu des publics fut ce cher journaliste que nous nommerons F. (bien que J. eut été plus adapté). Nous n’avons tout d’abord pas bien compris pour quel média il travaillait. Un journal local ? Une radio ? Je ne me souviens même pas qu’il l’ait mentionné. Mais il avait UN BADGE, ce qui comme UN LIVRE, te rend respectable. Interview sublime à la Raphaël Mezrahi avec des questions pointues du type «parlez-moi de votre livre…» ou «alors les femmes… ?». Marine a fini par m’utiliser comme porte de sortie. On lui a joué Mens-moi en se disant que c’était certainement ce qu’il était en train de faire.

Il s’est ensuite tourné vers mes chers voisins et leur a demandé «parlez-moi de votre livre… » suivi d’un «et Bashung alors… » qui nous a plongés dans un fou-rire aussi étouffé qu’incontrôlable.
En partant, tandis que j’entamais un récital en espagnol, ce cher F. a pris un stylo et a noté sur ma feuille de signatures ce mot :
«I love you Marine Goodmorning.
F. (journaliste) »

La parenthèse était utile. Pour la crédibilité, puisque c’était le sujet du week-end.

Fortes du succès d’estime de notre hôte libraire, mes amis et moi avons été «promus» dans l’allée centrale le jour suivant. J’y suis pour beaucoup, car en toute modestie, sans moi (et les quelques verres de vin offerts par notre cher auteur local Alain Moro) l’ambiance aurait été beaucoup plus sage. Après une très courte nuit (la vie nocturne au Mans est complètement débridée au cas où vous en douteriez encore) nous voici donc chargées de la lourde responsabilité d’être auteur (pour elle) – divertissante (pour moi). Cela a apparemment fonctionné puisque nous avons quasiment écoulé notre stock de livres en une journée. En terme d’énergie dépensée, on a tout donné, tout chanté et tant parlé que l’on ne sait pas comment nos voisins ont encore pu nous supporter à leurs côtés sur les voies du retour. Dans le "train des auteurs" qui nous était consacré, nous  occupions un wagon avec nos nouveaux amis du week-end, revival de nos plus beaux trajets de fonds de bus adolescents. On a adoré cette plongée dans le monde merveilleusement sérieux du livre et recommençons quand vous voulez à jouer les intelli-chantes.