mercredi 29 septembre 2010

Le marathon de Canton


Gare routière de New-York.
Conversation entre Marine et une dame qui ne parle pas fort derrière sa vitre de comptoir Greyhound… * traduit de l’anglais par bibi et ses cordes bibi-lingues
-          «je voudrais un billet pour Canton s’il-vous plait.
-          Où ?
-          Canton, dans le nord de l’état de New-York.
(elle écrit la ville sur un papier et nous le montre pour être certaine d’avoir bien compris).
-          Oui c’est ça.
-          Ah bon… Mais vous savez, c’est tout petit il n’y a rien à faire là-bas.
-          Je vais donner une conférence et faire un concert à l’université St Laurence.
-          Ah bon d’accord. Et vous venez de France pour ça ? C’est sympa de visiter le pays (comment sait-elle qu’elle est française… mouah, encore un sale coup de notre accent). 78 dollars s’il-vous-plait ».

1h du matin, Marine et moi sommes assises par terre, en partance pour la méconnue petite ville de Canton. 1h45, le bus démarre. Un voisin hawaïen à nos côtés qui file à Toronto entame la discussion. Évidemment nous devrions dormir pour nous préparer à l’intense journée qui nous attend, mais que voulez-vous, la parlotte et nous, on a une relation fusionnelle. 5h, sauvées par le bus, nous quittons le sien. Un changement de deux heures nous attend. Le moins que l'on puisse écrire est que l’on a…sommeil et que la délicieuse mini gare routière de Syracuse, si elle est riche de chaînes en tout genre (Dunkin donuts, Subways & co), n’a pas jugé bon de se doter de sièges confortables. Nous ne trouvons pour patienter que des fauteuils-grillages rouge, avec des accoudoirs empêchant toute tentative de colonisation du siège voisin. 

Alors que Marine commence à bougonner dans sa moustache (ben oui elle en a, ça c’est 21ème siècle), un spectacle inhabituel lui fait soudainement oublier ses rêves de matelas trois étoiles. Les Amish sont dans la gare, je répète, les Amish sont dans la gare. Pour ceux qui, comme moi, ignorent de qui il s’agit, les Amish sont une communauté d’anabaptistes (un courant né au 17ème siècle du protestantisme mais s’en étant détaché, trouvant que la modernité fait dériver la religion). Vêtus de couleurs sombres, tous quasiment à l’identique, ils portent des chapeaux de paille, rejettent la modernité (vivent sans électricité, sans voiture…), l’individualisme, prônent le rapprochement avec la terre (ils sont quasiment tous agriculteurs), sont très fervents dans leur pratique religieuse et ont fréquemment entre 8 et 10 enfants… (cf. http://www.participez.com/contenu/reportage/111).

Physiquement, ils semblent tout droit sortis du 19ème siècle. Autant dire qu’avec la petite casquette new-yorkaise et les chaussures bi-goût noir et blanches de Marine, on se sent quelque peu en décalage. Toujours est-il qu’en ce petit matin, ils s’apprêtent à prendre le bus, comme nous pour Canton. Et que l’un d’eux ose même faire jaillir une cannette de Coca du distributeur en nous balançant un clin d’œil impertinent. Tout fout le camp, je vous dis…
Malgré notre grande curiosité à leur égard, à peine montées dans le second bus qui nous conduit enfin à destination, on s’endort pour les trois heures qu’il nous reste, affalées en travers d’une rangée de siège (effectivement, peu de gens semblent se rendre à Canton…).

A l'arrivée, Natalia, professeur d’anglais et organisatrice de l’événement, nous accueille. Elle nous offre un petit déjeuner (avec triple café pour faire face) et nous annonce le programme de ces deux journées. A 16h, nous sommes invitées à une tea-party par des étudiantes. A 18h, nous passerons à une Wine & cheese party organisée par les professeurs, à 19h : balances, 19h30 : début de la conférence, 20h30 : petit concert acoustique, 21h :  cocktail signature de livres et disques, 22h : soirées organisée en notre honneur chez Natalia. Le lendemain matin, intervention de 2h dans les classes de français avancé, puis retour au Candada.


Je me plais à penser qu'à côté de cet emploi du temps, un ministre en fonction doit faire figure de vacancier… Nous reprenons une dose de café, une douche (parce que oui, nous français, nous douchons, contrairement à la réputation qui nous colle aux converses) et c’est parti pour une journée sur les chapeaux de roue. Une journée... fantastique (et je pèse mon superlatif).

Quelques 300 étudiants sont venus à la conférence, réagissant avec passion aux messages des 81 femmes (cf. le livre Same same but different que Marine est venue défendre). Certains sont même venus lui parler en larmes de leurs propres rêves et de ce qui les empêchait encore d’oser les entreprendre. Le concert -en français- a reçu un accueil très enthousiaste au point que nous avons regretté de n’avoir pas chargé notre valise de plus de disques (parce qu’il en reste tout de même plus d’un millier sous la table de cuisine de Marine).

Bref, c’était l'un des plus jolis événements auxquels mes cordes aient assisté. Juste avant de quitter cette chaleureuse université, alors que je suis allée jouer quelques morceaux dans les classes de Français, j’ai même eu la surprise de constater que les élèves avaient travaillé les textes de nos chansons.
Canton vous dit que la valeur n’attend pas le nombre des habitants… Big up St Laurence, on repart avec tous vos sourires dans nos bagages.


samedi 25 septembre 2010

Ce qu’il faut pour faire la peau à un rhume en 24h chrono / Heal the nose… make it a better place…

New-York, New-York, New-Yoooooooork ! Enfin j’accomplis mon destin de guitare folk et retourne sur mes terres d’origine. Marine entend quant à elle son nom prononcé partout. Parfois même - comble de son égo-trip - il lui est adressé. Good morning donc chers lecteurs. Nos «mornings» américains ont pour le coup, été plus que bons. Le hasard a fait que Dan Laurens, un de nos ami guitariste, se trouve à Manhattan au même moment que nous. Apprenant notre venue en grande pompe (41 pour elle), il nous a invitées à jouer avec lui. Vous vous doutez bien que nous avons sauté sur l’occasion… 

Jusqu’ici tout s’annonce pour le mieux.
Sauf que, comme de coutume, Marine a un peu trop traîné ses jupettes sur les trottoirs de New-York et abusé d’allers-retours dans un métro aux températures yoyo (sorte de sauna dans les couloirs et de frigidaire dans les rames…). Effet immédiat : le jour J, un joli rhume lui racle la gorge et le nez. Dès le petit matin, nous décidons donc d’entamer une multi-thérapie alimentée au fil de la journée de toutes les idées de nos rencontres plus ou moins fortuites (et farfelues).

Joseph-Pierre, l’ami qui nous héberge dans l’Upper west side, est adepte de l’homéopathie. Gouttes de cuivre, d’argent dans le nez… dès le lever en pyjama à pois, il nous couvre de métaux précieux pour enrayer l’infection. JP nous conseille ensuite de passer une journée tranquille à les laisser infuser dans nos narines depuis le haut d’un building de Chelsea. Prêtes à tout pour assurer ce soir, nous suivons donc ses recommandations et grimpons les 18 étages de cet hôtel appelé à injuste titre « le Standard ». Du haut du bar qui le surplombe, la vue sur la ville est sublime. L’Hudson coule tranquillement à gauche, tandis que le vivant quartier de Meatpacking s’active dans l’alignement du bar, juste derrière le serveur, qui nous fait sursauter en demandant à Marine ce qu’elle aimerait boire. « Un thé… non, c’est un bar de nuit… donc de fête… donc d’alcool… Bon, un jus de fruit alors, vous en avez forcément pour faire les cocktails j’imagine… Bien sûr. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Ce que vous voulez, quelque chose qui soulage la gorge… Blablablabalablabla (réflexion – tergiversations)… ok, un cocktail aux fruits rouges et orange pour les vitamines ». Le serveur prétend y plonger toute son énergie, sorte de fruithérapie. Il fait cadeau de sa préparation à Marine (qu’il a l’air de trouver à son goût malgré son nez imitation clown), puis lui conseille de monter sur la terrasse extérieure.

Ha… ce n’était donc pas ici. Encore quelques marches et nous y sommes. Pas loin du paradis ou du septième (gratte) ciel. La vue est exempte de vitres, le sol couvert de gazon, des lits à eau posés ça et là invitent à une sieste au soleil, parfaite pour la luminothérapie (d’autant plus que la température avoisine les 35 degrés en cette journée de septembre). Marine s’apprête à un repos de circonstance, lorsque la seule personne présente s’approche et entame la conversation d’un original « hi, how are you doing ? ». Il m’a vue, posée dans un coin, et en profite pour orienter la discussion sur moi. Facile, me dis-je. Marine explique que nous jouons ce soir et qu’elle tente de calmer l’angine qui la démange. Un sourire éclaire le visage de l’homme en question (Peter, from San Francisco, pour les adeptes des précisions). Il est physiothérapeute, nous sort sa carte en guise de presque preuve, et propose de lui soulager la nuque et ainsi, la gorge, par un moyen détourné. Pourquoi pas c’est la journée des multi-thérapies, alors soit, allons-y pour la phase 3 du traitement : la massothérapie. Il y a des jours comme ça où tout tombe à pic.

Nous quittons l’hôtel détendues et un peu hallucinées d’y avoir trouvé tant d’attention en cherchant seulement un coin loin de l’agitation urbaine…
Direction Central Park où une séance de musicothérapie nous attend (une répète quoi…) avec le fameux Dan Laurens. Devant un coucher de soleil aux allures de tableau, il nous accompagne sur nos nouveaux morceaux. Je suis un peu jalouse de la dextérité avec laquelle il masse les cordes de ma rivale : une autre guitare made in USA. Mais peu importe, je ravale mon irritation et me concentre sur le concert de ce soir, professionnalisme oblige.

A la nuit tombée nous quittons le parc, en nous y perdant juste assez pour arriver (avec le retard qui nous caractérise) au lieu dit : un bar à vin aux murs de briques rouges au cœur d’East Village. Marine a une nouvelle chapka sur la tête, j’ai toujours ma sangle panthère, Dan a ses cheveux en mode super volume live, et sa guitare a la simplicité de celle que l’on vous prête à la dernière minute. On s’installe rapidement, Marine entame la dernière phase du traitement, la vinothérapie et hop, c’est parti pour une heure quinze de concert. Sans toux, sans reniflement impromptus, et avec la joie d’improviser un set acoustique avec ce formidable ami et musicien. En même temps si le rhume avait tenu tête à ce multitraitement de choc, il aurait été décoré de l’ordre des microbes résistants. Il pouvait toujours courir les bronches pour qu’on lui fasse ce plaisir. Et hop. Bye bye american cold. And good morning New-York… On est fan de toi, déjà.

mardi 14 septembre 2010

"Tu connais-tu...

...le festival country-western de Saint-Tite ? Non ? Pour vrai ? Faut qu’tu y aille j’te jure, tu vas capoter ben raide, c’est l’plus gros du Canada»  Phrases entendues au hasard d’un cours de guitare*

Si nous avons traversé l’océan pour nous rapprocher du monde des cowboys, nous pouvons bien traverser la Mauricie pour le toucher du doigt. Quoi que ce soit l’inverse en ce qui concerne Marine (cf. ce joli tatouage improvisé sur son presque-sein par un cowboy superstar après le rodéo).

Avec François Bernier, notre meilleur ami du Québec, nous enfourchons donc Serpanthère, notre monture à quatre roues (mais l’année prochaine on aura une vraie moto de cowboy, ou un cheval, ou une caravane, ou un mobile-home-bus, un vrai truc de country quoi). On rempli le coffre de bière, on trouve des chapeaux adaptés (puisque dans les ruelles de St Tite, le taux de portage est proche des 99%, rapport au soleil surement), Marine revêt sa robe-nappe à carreaux et hop hop, on infiltre ce monde
parallèle.

Ici point de tong (ce qui au passage en québécois veut dire string, gare au malentendu si l’on demande à quelqu’un de l’enlever), mais des bottes pointues à tous les coins de rue. Pas de tecktonik mais de la danse en ligne dans la country-thèque. Des rodéos sur chevaux sauvages, du sauvetage, des taureaux en furie, des hommes à la ceinture de bière qui te pleurent sur l’épaule en te parlant de leurs déboires conjugaux, des gros moteurs, des gros colons parfois (chercher la définition québécoises sur les photos). Bref, une sorte de Disneyland à franges qui nous a captivées, capturées en un coup de lasso.


*(note pour plus tard : vous parler très vite de ces cours de guitare, qui en eux même valent bien un détour de clavier).

mercredi 8 septembre 2010

30 millions d'amis?

Dix jours sans nouvelles… Pourquoi, comment se fait-ce? Et bien c’est le temps qu’il fallait pour s’acclimater à la fin d’été-giboulée du Canada (et trouver un chapeau de cow-girl pour elle, une sangle panthère pour bibi, adaptation oblige). L’année dernière, Marine y était partie trois mois sans moi, et c’est là qu’elle s’était dit qu’il était plus que temps de remédier à mon absence. 

Retour ici donc pour montrer ses (nos) progrès aux écureuils, public aussi fuyant qu’exigeant. Avant de «performer» devant les québécois, ils sont une sorte de passage obligé. Tradition méconnue, puisque les caribous et castors ne cessent de leur voler la vedette en tant que critiques des grandes étendues. Verdict pour le moins encourageant : ils restent et dressent même leur jolie queue en signe d'approbation. Allez, demain, on teste les pigeons...


A croire que le succès nous submerge puisqu'alors que l'on posait l'air de rien (en mode soooo melancolique) une sorte de Lassie des rues est venue troubler notre attitude détachée. L'homme est un animal comme les autres à ce qu'il paraît, espérons que nous saurons aussi bien l'apprivoiser sur la scène locale...