Gare routière de New-York.
Conversation entre Marine et une dame qui ne parle pas fort derrière sa vitre de comptoir Greyhound… * traduit de l’anglais par bibi et ses cordes bibi-lingues
- «je voudrais un billet pour Canton s’il-vous plait.
- Où ?
- Canton, dans le nord de l’état de New-York.
(elle écrit la ville sur un papier et nous le montre pour être certaine d’avoir bien compris).
- Oui c’est ça.
- Ah bon… Mais vous savez, c’est tout petit il n’y a rien à faire là-bas.
- Je vais donner une conférence et faire un concert à l’université St Laurence.
- Ah bon d’accord. Et vous venez de France pour ça ? C’est sympa de visiter le pays (comment sait-elle qu’elle est française… mouah, encore un sale coup de notre accent). 78 dollars s’il-vous-plait ».
1h du matin, Marine et moi sommes assises par terre, en partance pour la méconnue petite ville de Canton. 1h45, le bus démarre. Un voisin hawaïen à nos côtés qui file à Toronto entame la discussion. Évidemment nous devrions dormir pour nous préparer à l’intense journée qui nous attend, mais que voulez-vous, la parlotte et nous, on a une relation fusionnelle. 5h, sauvées par le bus, nous quittons le sien. Un changement de deux heures nous attend. Le moins que l'on puisse écrire est que l’on a…sommeil et que la délicieuse mini gare routière de Syracuse, si elle est riche de chaînes en tout genre (Dunkin donuts, Subways & co), n’a pas jugé bon de se doter de sièges confortables. Nous ne trouvons pour patienter que des fauteuils-grillages rouge, avec des accoudoirs empêchant toute tentative de colonisation du siège voisin.
Alors que Marine commence à bougonner dans sa moustache (ben oui elle en a, ça c’est 21ème siècle), un spectacle inhabituel lui fait soudainement oublier ses rêves de matelas trois étoiles. Les Amish sont dans la gare, je répète, les Amish sont dans la gare. Pour ceux qui, comme moi, ignorent de qui il s’agit, les Amish sont une communauté d’anabaptistes (un courant né au 17ème siècle du protestantisme mais s’en étant détaché, trouvant que la modernité fait dériver la religion). Vêtus de couleurs sombres, tous quasiment à l’identique, ils portent des chapeaux de paille, rejettent la modernité (vivent sans électricité, sans voiture…), l’individualisme, prônent le rapprochement avec la terre (ils sont quasiment tous agriculteurs), sont très fervents dans leur pratique religieuse et ont fréquemment entre 8 et 10 enfants… (cf. http://www.participez.com/contenu/reportage/111).
Physiquement, ils semblent tout droit sortis du 19ème siècle. Autant dire qu’avec la petite casquette new-yorkaise et les chaussures bi-goût noir et blanches de Marine, on se sent quelque peu en décalage. Toujours est-il qu’en ce petit matin, ils s’apprêtent à prendre le bus, comme nous pour Canton. Et que l’un d’eux ose même faire jaillir une cannette de Coca du distributeur en nous balançant un clin d’œil impertinent. Tout fout le camp, je vous dis…
Malgré notre grande curiosité à leur égard, à peine montées dans le second bus qui nous conduit enfin à destination, on s’endort pour les trois heures qu’il nous reste, affalées en travers d’une rangée de siège (effectivement, peu de gens semblent se rendre à Canton…).
A l'arrivée, Natalia, professeur d’anglais et organisatrice de l’événement, nous accueille. Elle nous offre un petit déjeuner (avec triple café pour faire face) et nous annonce le programme de ces deux journées. A 16h, nous sommes invitées à une tea-party par des étudiantes. A 18h, nous passerons à une Wine & cheese party organisée par les professeurs, à 19h : balances, 19h30 : début de la conférence, 20h30 : petit concert acoustique, 21h : cocktail signature de livres et disques, 22h : soirées organisée en notre honneur chez Natalia. Le lendemain matin, intervention de 2h dans les classes de français avancé, puis retour au Candada.
Je me plais à penser qu'à côté de cet emploi du temps, un ministre en fonction doit faire figure de vacancier… Nous reprenons une dose de café, une douche (parce que oui, nous français, nous douchons, contrairement à la réputation qui nous colle aux converses) et c’est parti pour une journée sur les chapeaux de roue. Une journée... fantastique (et je pèse mon superlatif).
Quelques 300 étudiants sont venus à la conférence, réagissant avec passion aux messages des 81 femmes (cf. le livre Same same but different que Marine est venue défendre). Certains sont même venus lui parler en larmes de leurs propres rêves et de ce qui les empêchait encore d’oser les entreprendre. Le concert -en français- a reçu un accueil très enthousiaste au point que nous avons regretté de n’avoir pas chargé notre valise de plus de disques (parce qu’il en reste tout de même plus d’un millier sous la table de cuisine de Marine).
Bref, c’était l'un des plus jolis événements auxquels mes cordes aient assisté. Juste avant de quitter cette chaleureuse université, alors que je suis allée jouer quelques morceaux dans les classes de Français, j’ai même eu la surprise de constater que les élèves avaient travaillé les textes de nos chansons.
Canton vous dit que la valeur n’attend pas le nombre des habitants… Big up St Laurence, on repart avec tous vos sourires dans nos bagages.
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